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Acte II, scène VIII.

Scapin.

Voulez-vous que son valet aille à pied ?

Argante.

Qu’il aille comme il lui plaira, et le maître aussi.

Scapin.

Mon Dieu, monsieur, ne vous arrêtez point à peu de chose. N’allez point plaider, je vous prie ; et donnez tout pour vous sauver des mains de la justice.

Argante.

Hé bien ! soit ; je me résous à donner encore ces trente pistoles.

Scapin.

Il me faut encore, a-t-il dit, un mulet pour porter…

Argante.

Oh ! qu’il aille au diable avec son mulet ! C’en est trop ; et nous irons devant les juges.

Scapin.

De grâce, Monsieur !

Argante.

Non, je n’en ferai rien.

Scapin.

Monsieur, un petit mulet.

Argante.

Je ne lui donnerais pas seulement un âne.

Scapin.

Considérez…

Argante.

Non, j’aime mieux plaider.

Scapin.

Eh ! Monsieur, de quoi parlez-vous là, et à quoi vous résolvez-vous ? Jetez les yeux sur les détours de la justice. Voyez combien d’appels et de degrés de juridiction, combien de procédures embarrassantes ; combien d’animaux ravissants, par les griffes desquels il vous faudra passer : sergents, procureurs, avocats, greffiers, substituts, rapporteurs, juges, et leurs clercs. Il n’y a pas un de tous ces gens-là qui, pour la moindre chose, ne soit capable de donner un soufflet au meilleur droit du monde. Un sergent baillera de faux exploits, sur quoi vous serez condamné sans que vous le sachiez. Votre procureur s’entendra avec votre partie, et vous vendra à beaux deniers comptants. Votre avocat, ga-