Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/435

Cette page a été validée par deux contributeurs.
423
Acte I, scène VI.

trefois un compagnon parmi les femmes, que vous faisiez de votre drôle avec les plus galantes de ce temps-là, et que vous n’en approchiez point que vous ne poussassiez à bout.

Argante.

Cela est vrai, j’en demeure d’accord ; mais je m’en suis toujours tenu à la galanterie, et je n’ai point été jusqu’à faire ce qu’il a fait.

Scapin.

Que vouliez-vous qu’il fît ? Il voit une jeune personne qui lui veut du bien (car il tient de vous, d’être aimé de toutes les femmes) ; il la trouve charmante, il lui rend des visites, lui conte des douceurs, soupire galamment, fait le passionné. Elle se rend à sa poursuite ; il pousse sa fortune. Le voilà surpris avec elle par ses parents, qui, la force à la main, le contraignent de l’épouser[1].

Sylvestre, à part.

L’habile fourbe que voilà !

Scapin.

Eussiez-vous voulu qu’il se fût laissé tuer ? Il vaut mieux encore être marié qu’être mort.

Argante.

On ne m’a pas dit que l’affaire se soit ainsi passée.

Scapin

Demandez-lui plutôt : Il ne vous dira pas le contraire.

Argante

C’est par force qu’il a été marié ?

Sylvestre.

Oui, Monsieur.

Scapin.

Voudrois-je vous mentir ?

Argante.

Il devait donc aller tout aussitôt protester de violence chez un notaire.

Scapin.

C’est ce qu’il n’a pas voulu faire.

  1. Ce récit est imité du Phormion. Mais Scapin est loin de l’éloquente précision de Géta : … Factum est, ventum est, vincimur, duxit… ; et, comme l’a traduit si heureusement le Monnier : Assignation, plaidoirie, procès perdu, mariage.
    (Bret.)