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Acte I, scène III.

Octave.

Non, belle Hyacinte, il n’y a point de père qui puisse me contraindre à vous manquer de foi ; et je me résoudrai à quitter mon pays, et le jour même, s’il est besoin, plutôt qu’à vous quitter. J’ai déjà pris, sans l’avoir vue, une aversion effroyable pour celle que l’on me destine ; et, sans être cruel, je souhaiterois que la mer l’écartât d’ici pour jamais. Ne pleurez donc point, je vous prie, mon aimable Hyacinte ; car vos larmes me tuent, et je ne les puis voir sans me sentir percer le cœur.

Hyacinte.

Puisque vous le voulez, je veux bien essuyer mes pleurs, et j’attendrai d’un œil constant ce qu’il plaira au ciel de résoudre de moi.

Octave.

Le ciel nous sera favorable.

Hyacinte.

Il ne sauroit m’être contraire, si vous m’êtes fidèle.

Octave.

Je le serai, assurément.

Hyacinte.

Je serai donc heureuse.

Scapin, à part.

Elle n’est point tant sotte, ma foi ; et je la trouve assez passable.

Octave, montrant Scapin.

Voici un homme qui pourrait bien, s’il le vouloit, nous être, dans tous nos besoins, d’un secours merveilleux.

Scapin.

J’ai fait de grands serments de ne me mêler plus du monde ; mais, si vous m’en priez bien fort tous deux, peut-être…

Octave.

Ah ! s’il ne tient qu’à te prier bien fort pour obtenir ton aide, je te conjure de tout mon cœur de prendre la conduite de notre barque.

Scapin, à Hyacinte.

Et vous, ne me dites-vous rien ?

Hyacinte.

Je vous conjure, à son exemple, par tout ce qui vous est le plus cher au monde, de vouloir servir notre amour.