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Les Fourberies de Scapin.

vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier. Mais, ma foi, le mérite est trop maltraité aujourd’hui ; et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva.

Octave.

Comment ? Quelle affaire, Scapin ?

Scapin.

Une aventure où je me brouillai avec la justice.

Octave.

La justice ?

Scapin.

Oui, nous eûmes un petit démêlé ensemble.

Sylvestre.

Toi et la justice ?

Scapin.

Oui. Elle en usa fort mal avec moi ; et je me dépitai de telle sorte contre l’ingratitude du siècle, que je résolus de ne plus rien faire. Baste ! Ne laissez pas de me conter votre aventure.

Octave.

Tu sais, Scapin, qu’il y a deux mois que le seigneur Géronte et mon père s’embarquèrent ensemble pour un voyage qui regarde certain commerce où leurs intérêts sont mêlés[1].

Scapin.

Je sais cela.

Octave.

Et que Léandre et moi nous fûmes laissés par nos pères, moi sous la conduite de Sylvestre, et Léandre sous ta direction.

Scapin.

Oui. Je me suis fort bien acquitté de ma charge.

Octave.

Quelque temps après, Léandre fit rencontre d’une jeune Égyptienne dont il devint amoureux.

Scapin.

Je sais cela encore.

  1. Tout le récit qui va suivre est tiré du Phormion de Térence.