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Quoi? je dis et redis tout haut que je vous aime,
1840 Et vous ne dites point, Psyché, que vous m'aimez!
Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont fermés?
Qu'à jamais la clarté leur vient d'être ravie?
Ô mort, devais-tu prendre un dard si criminel,
Et sans aucun respect pour mon être éternel
1845 Attenter à ma propre vie?
Combien de fois, ingrate Déité,
Ai-je grossi ton noir empire,
Par les mépris et par la cruauté
D'une orgueilleuse ou farouche beauté?
1850 Combien même, s'il le faut dire,
T'ai-je immolé de fidèles amants
À force de ravissements?
Va, je ne blesserai plus d'âmes,
Je ne percerai plus de cœurs,
1855 Qu'avec des dards trempés aux divines liqueurs
Qui nourrissent du Ciel les immortelles flammes,
Et n'en lancerai plus que pour faire à tes yeux
Autant d'amants, autant de Dieux.
Et vous, impitoyable mère,
1860 Qui la forcez à m'arracher
Tout ce que j'avais de plus cher,
Craignez à votre tour l'effet de ma colère.
Vous me voulez faire la loi,
Vous qu'on voit si souvent la recevoir de moi!
1865 Vous qui portez un cœur sensible comme un autre,
Vous enviez au mien les délices du vôtre!
Mais dans ce même cœur j'enfoncerai des coups,
Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux;
Je vous accablerai de honteuses surprises,
1870 Et choisirai partout à vos vœux les plus doux
Des Adonis et des Anchises,
Qui n'auront que haine pour vous.

SCÈNE V

VÉNUS, L'AMOUR, PSYCHÉ évanouie.

VÉNUS
La menace est respectueuse,
Et d'un enfant qui fait le révolté
1875 La colère présomptueuse...

L'AMOUR