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Mais vous soupireriez, Princes, pour une ingrate,
1750 Vous n'avez point voulu survivre à mes malheurs,
Et quelque douleur qui m'abatte,
Ce n'est point pour vous que je meurs.

CLÉOMÈNE
L'avons-nous mérité, nous dont toute la flamme
N'a fait que vous lasser du récit de nos maux?

PSYCHÉ
1755 Vous pouviez mériter, Princes, toute mon âme,
Si vous n'eussiez été rivaux.
Ces qualités incomparables
Qui de l'un et de l'autre accompagnaient les vœux,
Vous rendaient tous deux trop aimables,
1760 Pour mépriser aucun des deux.

AGÉNOR
Vous avez pu sans être injuste, ni cruelle,
Nous refuser un cœur réservé pour un Dieu.
Mais revoyez Vénus: le Destin nous rappelle,
Et nous force à vous dire adieu.

PSYCHÉ
1765 Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire
Quel est ici votre séjour?

CLÉOMÈNE
Dans des bois toujours verts, où d'amour on respire,
Aussitôt qu'on est mort d'amour.
D'amour on y revit, d'amour on y soupire,
1770 Sous les plus douces lois de son heureux empire,
Et l'éternelle nuit n'ose en chasser le jour,
Que lui-même il attire
Sur nos fantômes qu'il inspire,
Et dont aux Enfers même il se fait une cour.

AGÉNOR
1775 Vos envieuses sœurs après nous descendues
Pour vous perdre se sont perdues,
Et l'une et l'autre tour à tour,
Pour le prix d'un conseil qui leur coûte la vie,
À côté d'Ixion, à côté de Titye,
1780 Souffre tantôt la roue, et tantôt le vautour.
L'amour, par les Zéphyrs s'est fait prompte justice
De leur envenimée et jalouse malice:
Ces ministres ailés de son juste courroux,