Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gater ; et il y a de certains esprits qu’il ne faut prendre qu’en biaisant ; des tempéraments ennemis de toute résistance ; des naturels rétifs, que la vérité fait cabrer, qui toujours se roidissent contre le droit chemin de la raison, et qu’on ne mène qu’en tournant où l’on veut les conduire. Faites semblant de consentir à ce qu’il veut, vous en viendrez mieux à vos fins ; et…

Élise

Mais ce mariage, Valère !

Valère

On cherchera des biais pour le rompre.

Élise

Mais quelle invention trouver, s’il se doit conclure ce soir ?

Valère

Il faut demander un délai, et feindre quelque maladie.

Élise

Mais on découvrira la feinte, si l’on appelle des médecins.

Valère

Vous moquez-vous ? Y connoissent-ils quelque chose ? Allez, allez, vous pourrez avec eux avoir quel mal il vous plaira, ils vous trouveront des raisons pour vous dire d’où cela vient.


Scène IX.

HARPAGON, VALÈRE, ÉLISE.
Harpagon, à part, dans le fond du théâtre.

Ce n’est rien, Dieu merci.

Valère, sans voir Harpagon.

Enfin notre dernier recours, c’est que la fuite nous peut mettre à couvert de tout ; et, si votre amour, belle Élise, est capable d’une fermeté… (Apercevant Harpagon.) Oui, il faut qu’une fille obéisse à son père. Il ne faut point qu’elle regarde comme un mari est fait ; et lorsque la grande raison de sans dot s’y rencontre, elle doit être prête à prendre tout ce qu’on lui donne.

Harpagon

Bon : voilà bien parlé, cela !

Valère

Monsieur, je vous demande pardon si je m’emporte un peu, et prends la hardiesse de lui parler comme je fais.

Harpagon

Comment ! j’en suis ravi, et je veux que tu prennes sur