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1015 De ce qu'a de plus beau le monde,
Qu'afin que je le quitte avec plus de regret.
Que mon espoir est ridicule,
S'il croit par là soulager mes douleurs!
Tout autant de moments que ma mort se recule,
1020 Sont autant de nouveaux malheurs;
Plus elle tarde, et plus de fois je meurs.
Ne me fais plus languir, viens prendre ta victime,
Monstre qui dois me déchirer;
Veux-tu que je te cherche, et faut-il que j'anime
1025 Tes fureurs à me dévorer?
Si le Ciel veut ma mort, si ma vie est un crime,
De ce peu qui m'en reste ose enfin t'emparer,
Je suis lasse de murmurer
Contre un châtiment légitime,
1030 Je suis lasse de soupirer:
Viens, que j'achève d'expirer.

SCÈNE III

L'AMOUR, PSYCHÉ, ZÉPHIRE.

L'AMOUR
Le voilà ce serpent, ce monstre impitoyable,
Qu'un oracle étonnant pour vous a préparé,
Et qui n'est pas peut-être à tel point effroyable
1035 Que vous vous l'êtes figuré.

PSYCHÉ
Vous, Seigneur, vous seriez ce monstre dont l'oracle
A menacé mes tristes jours,
Vous qui semblez plutôt un Dieu qui par miracle
Daigne venir lui-même à mon secours!

L'AMOUR
1040 Quel besoin de secours au milieu d'un empire,
Où tout ce qui respire
N'attend que vos regards pour en prendre la loi,
Où vous n'avez à craindre autre monstre que moi?

PSYCHÉ
Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte!
1045 Et que s'il a quelque poison,
Une âme aurait peu de raison
De hasarder la moindre plainte,
Contre une favorable atteinte