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Valère

Vous avez raison : voilà qui décide tout ; cela s’entend. Il y a des gens qui pourraient vous dire qu’en de telles occasions l’inclination d’une fille est une chose, sans doute, où l’on doit avoir de l’égard ; et que cette grande inégalité d’âge, d’humeur et de sentiments, rend un mariage sujet à des accidents fâcheux.

Harpagon

Sans dot !

Valère

Ah ! il n’y a pas de réplique à cela ; on le sait bien ! Qui diantre peut aller là contre ? Ce n’est pas qu’il n’y ait quantité de pères qui aimeroient mieux ménager la satisfaction de leurs filles, que l’argent qu’ils pourroient donner ; qui ne les voudroient point sacrifier à l’intérêt, et chercheroient, plus que toute autre chose, à mettre dans un mariage cette douce conformité qui, sans cesse, y maintient l’honneur, la tranquillité et la joie ; et que…

Harpagon

Sans dot[1] !

Valère

Il est vrai ; cela ferme la bouche à tout. Sans dot ! Le moyen de résister à une raison comme celle-là ?

Harpagon, à part, regardant du côté le jardin.

Ouais ! Il me semble que j’entends un chien qui aboie. N’est-ce point qu’on en voudroit à mon argent ? (À Valère.) Ne bougez ; je reviens tout à l’heure.



Scène VIII.

ÉLISE, VALÈRE.
Élise

Vous moquez-vous, Valère, de lui parler comme vous faites ?

Valère

C’est pour ne point l’aigrir, et pour en venir mieux à bout. Heurter de front ses sentiments est le moyen de tout

  1. Dans la pièce latine, Mégadore fait ses propositions de mariage : Euclion y consent, mais à une condition : Je veux bien, dit-il que cet Hymen s’accomplisse ; mais n’oubliez pas que vous vous êtes engagé à prendre ma fille sans dot.

       ……… Faxint ; illud facito ut memineris
    Convenisse ut ne quid dotis mea ad te afferret filia.
     (Petitot.)