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Crois-tu là me donner une raison puissante,
Pour ne me plaindre point de cet arrêt des Cieux?
Et dans le procédé des Dieux
670 Dont tu veux que je me contente,
Une rigueur assassinante
Ne paraît-elle pas aux yeux?
Vois l'état où ces Dieux me forcent à te rendre,
Et l'autre où te reçut mon cœur infortuné:
675 Tu connaîtras par là qu'ils me viennent reprendre
Bien plus que ce qu'ils m'ont donné.
Je reçus d'eux en toi, ma fille,
Un présent que mon cœur ne leur demandait pas;
J'y trouvais alors peu d'appas,
680 Et leur en vis sans joie accroître ma famille.
Mais mon cœur ainsi que mes yeux
S'est fait de ce présent une douce habitude:
J'ai mis quinze ans de soins, de veilles, et d'étude,
À me le rendre précieux,
685 Je l'ai paré de l'aimable richesse
De mille brillantes vertus,
En lui j'ai renfermé par des soins assidus
Tous les plus beaux trésors que fournit la sagesse,
À lui j'ai de mon âme attaché la tendresse,
690 J'en ai fait de ce cœur le charme et l'allégresse,
La consolation de mes sens abattus,
Le doux espoir de ma vieillesse.
Ils m'ôtent tout cela, ces Dieux,
Et tu veux que je n'aie aucun sujet de plainte
695 Sur cet affreux arrêt dont je souffre l'atteinte?
Ah, leur pouvoir se joue avec trop de rigueur
Des tendresses de notre cœur:
Pour m'ôter leur présent, leur fallait-il attendre
Que j'en eusse fait tout mon bien?
700 Ou plutôt, s'ils avaient dessein de le reprendre,
N'eût-il pas été mieux de ne me donner rien?

PSYCHÉ
Seigneur, redoutez la colère
De ces Dieux contre qui vous osez éclater.

LE ROI
Après ce coup que peuvent-ils me faire?
705 Ils m'ont mis en état de ne rien redouter.

PSYCHÉ
Ah, Seigneur,