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COVIELLE, bas, à madame Jourdain.

Il y a une heure, madame, que nous vous faisons signe. Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n’est fait que pour nous ajuster aux visions de votre mari ; que nous l’abusons sous ce déguisement, et que c’est Cléonte lui-même qui est le fils du Grand Turc ?…

MADAME JOURDAIN, bas, a Covielle.

Ah ! ah !

COVIELLE, bas, à madame Jourdain.

Et moi, Covielle, qui suis le truchement.

MADAME JOURDAIN, bas, à Covielle.

Ah ! comme cela, je me rends.

COVIELLE, bas, à madame Jourdain.

Ne faites pas semblant de rien.

MADAME JOURDAIN, haut.

Oui, voilà qui est fait, je consens au mariage.

MONSIEUR JOURDAIN.

Ah ! voilà tout le monde raisonnable, (à madame Jourdain.) Vous ne vouliez pas l’écouter. Je savois bien qu’il vous expliqueroit ce que c’est que le fils du Grand Turc.

MADAME JOURDAIN.

Il me l’a expliqué comme il faut, et j’en suis satisfaite. Envoyons quérir un notaire.

DORANTE.

C’est fort bien dit. Et afin, madame Jourdain, que vous puissiez avoir l’esprit tout à fait content, et que vous perdiez aujourd’hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de monsieur votre mari, c’est que nous nous servirons du même notaire pour nous marier, madame et moi.

MADAME JOURDAIN.

Je consens aussi à cela.

MONSIEUR JOURDAIN, bas, à Dorante.

C’est pour lui faire accroire.

DORANTE, bas, à monsieur Jourdain.

Il faut bien l’amuser avec cette feinte.

MONSIEUR JOURDAIN, bas.

Bon, bon ! (Haut.) Qu’on aille quérir le notaire.

DORANTE.

Tandis qu’il viendra et qu’il dressera les contrats, voyons notre ballet, et donnons-en le divertissement à Son Altesse turque.