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moi, ma fille ; et venez dire résolument à votre père que si vous ne l’avez, vous ne voulez épouser personne.


Scène XIV.

CLÉONTE, COVIELLE.
COVIELLE.

Vous avez fait de belles affaires, avec vos beaux sentiments !

CLÉONTE.

Que veux-tu ? j’ai un scrupule là-dessus que l’exemple ne sauroit vaincre.

COVIELLE.

Vous moquez-vous, de le prendre sérieusement avec un homme comme cela ? Ne voyez-vous pas qu’il est fou ? et vous coûtoit-il quelque chose de vous accommoder à ses chimères ?

CLÉONTE.

Tu as raison ; mais je ne croyois pas qu’il fallût faire ses preuves de noblesse pour être gendre de monsieur Jourdain.

COVIELLE, riant

Ah ! fih ! ah !

CLÉONTE.

De quoi ris-tu ?

COVIELLE.

D’une pensée qui me vient pour jouer notre homme, et vous faire obtenir ce que vous souhaitez.

CLÉONTE.

Comment ?

COVIELLE.

L’idée est tout à fait plaisante.

CLÉONTE.

Quoi donc ?

COVIELLE.

Il s’est fait depuis peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici, et que je prétends faire entrer dans une bourle[1] que je veux faire à notre ridicule. Tout cela sent un peu sa comédie ; mais, avec lui, on peut hasarder toute chose ; il n’y faut point chercher tant de façons, et il est homme à y jouer son rôle à merveille, et à donner aisé-

  1. Bourle, de l’italien burlare, se moquer, se jouer, se rire, faire un tour, une niche à quelqu’un. (Ménage.)