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MADAME JOURDAIN.

Ce n’est pas d’aujourd’hui, Nicole, que j’ai conçu des soupçons de mon mari. Je suis la plus trompée du monde, ou il y a quelque amour en campagne ; et je travaille à découvrir ce que ce peut être. Mais songeons à ma fille. Tu sais l’amour que Cléonte a pour elle : c’est un homme qui me revient ; et je veux aider sa recherche, et lui donner Lucile, si je puis.

NICOLE.

En vérité, madame, je suis la plus ravie du monde de vous voir dans ces sentiments ; car si le maître vous revient, le valet ne me revient pas moins, et je souhaiterois que notre mariage se pût faire à l’ombre du leur.

MADAME JOURDAIN.

Va-t’en lui en parler de ma part[1], et lui dire que tout à l’heure il me vienne trouver, pour faire ensemble, à mon mari, la demande de ma fille.

NICOLE.

J’y cours, madame, avec joie, et je ne pouvois recevoir une commission plus agréable. (Seule.) Je vais, je pense, bien réjouir les gens.


Scène VIII.

CLÉONTE, COVIELLE, NICOLE.
NICOLE, à Cléonte.

Ah ! vous voilà tout à propos ! Je suis une ambassadrice de joie, et je viens…

CLÉONTE.

Retire-toi, perfide, et ne me viens point amuser avec tes traîtresses paroles.

NICOLE.

Est-ce ainsi que vous recevez…

CLÉONTE.

Retire-toi, te dis-je, et va-t’en dire, de ce pas, à ton infidèle maîtresse qu’elle n’abusera de sa vie le trop simple Cléonte.

NICOLE.

Quel vertigo est-ce donc là ? Mon pauvre Covielle, dis-moi un peu ce que cela veut dire.

  1. Var. Va lui parler de ma part.