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femmes aiment surtout les dépenses qu’on fait pour elles ; et vos fréquentes sérénades, et vos bouquets continuels, ce superbe feu d’artifice qu’elle trouva sur l’eau, le diamant qu’elle a reçu de votre part, et le cadeau[1] que vous lui préparez, tout cela lui parle bien mieux en faveur de votre amour que toutes les paroles que vous auriez pu lui dire vous-même.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il n’y a point de dépenses que je ne fisse, si par là je pouvois trouver le chemin de son cœur. Une femme de qualité a pour moi des charmes ravissants ; et c’est un honneur que j’achèterois au prix de toutes choses.

MADAME JOURDAIN, bas, à Nicole.

Que peuvent-ils tant dire ensemble ? Va-t’en un peu tout doucement prêter l’oreille.

DORANTE.

Ce sera tantôt que vous jouirez à votre aise du plaisir de sa vue ; et vos yeux auront tout le temps de se satisfaire.

MONSIEUR JOURDAIN.

Pour être en pleine liberté, j’ai fait en sorte que ma femme ira dîner chez ma sœur, où elle passera toute l’après-dînée.

DORANTE.

Vous avez fait prudemment, et votre femme auroit pu nous embarrasser. J’ai donné pour vous l’ordre qu’il faut au cuisinier et à toutes les choses qui sont nécessaires pour le ballet. Il est de mon invention ; et pourvu que l’exécution puisse répondre à l’idée, je suis sûr qu’il sera trouvé…

MONSIEUR JOURDAIN, s’apercevant que Nicole écoute, et lui donnant un soufflet.

Ouais ! vous êtes bien impertinente ! (À Dorante.) Sortons, s’il vous plaît.


Scène VII.

MADAME JOURDAIN, NICOLE.
NICOLE.

Ma foi, madame, la curiosité m’a couté quelque chose ; mais je crois qu’il y a quelque anguille sous roche, et ils parlent de quelque affaire où ils ne veulent pas que vous soyez.

  1. Var. Et le régal que vous lui préparez.