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l’oreille, et je lui ai dit nettement que je n’avais pas le loisir de l’entendre.

ÉRIPHILE.

Tu as eu tort de lui dire cela, et tu devais l’écouter.

CLITIDAS.

Je lui ai dit d’abord que je n’avais pas le loisir de l’entendre ; mais après je lui ai donné audience.

ÉRIPHILE.

Tu as bien fait.

CLITIDAS.

En vérité, c’est un homme qui me revient, un homme fait comme je veux que les hommes soient faits : ne prenant point des manières bruyantes et des tons de voix assommants ; sage et posé en toutes choses ; ne parlant jamais que bien à propos ; point prompt à décider ; point du tout exagérateur incommode ; et, quelques beaux vers que nos poètes lui aient récités, je ne lui ai jamais ouï dire : "Voilà qui est plus beau que tout ce qu’a jamais fait Homère." Enfin c’est un homme pour qui je me sens de l’inclination ; et si j’étais Princesse, il ne serait pas malheureux.

ÉRIPHILE.

C’est un homme d’un grand mérite assurément ; mais de quoi t’a-t-il parlé ?

CLITIDAS.

Il m’a demandé si vous aviez témoigné grande joie au magnifique régale que l’on vous a donné, m’a parlé de votre personne avec des transports les plus grands du monde, vous a mise au-dessus du Ciel, et vous a donné toutes les louanges qu’on peut donner à la Princesse la plus accomplie de la terre, entremêlant tout cela de plusieurs soupirs, qui disaient plus qu’il ne voulait. Enfin, à force de le tourner de tous côtés, et de le presser sur la cause de cette profonde mélancolie, dont toute la cour s’aperçoit, il a été contraint de m’avouer qu’il était amoureux.

ÉRIPHILE.

Comment amoureux ? quelle témérité est la sienne ! c’est un extravagant que je ne verrai de ma vie.

CLITIDAS.

De quoi vous plaignez-vous, Madame ?

ÉRIPHILE.