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IPHICRATE.

Quelque pouvoir que vous lui donniez pour ce choix, ce n’est point compliment, Madame, que ce que je vous dis : je ne recherche la Princesse Ériphile que parce qu’elle est votre sang ; je la trouve charmante par tout ce qu’elle tient de vous, et c’est vous que j’adore en elle.

ARISTIONE.

Voilà qui est fort bien.

IPHICRATE.

Oui, Madame, toute la terre voit en vous des attraits et des charmes que je

ARISTIONE.

De grâce, Prince, ôtons ces charmes et ces attraits : Vous savez que ce sont des mots que je retranche des compliments qu’on me veut faire. Je souffre qu’on me loue de ma sincérité, qu’on dise que je suis une bonne princesse, que j’ai de la parole pour tout le monde, de la chaleur pour mes amis, et de l’estime pour le mérite et la vertu : je puis tâter de tout cela ; mais pour les douceurs de charmes et d’attraits, je suis bien aise qu’on ne m’en serve point ; et quelque vérité qui s’y pût rencontrer, on doit faire quelque scrupule d’en goûter la louange, quand on est mère d’une fille comme la mienne.

IPHICRATE.

Ah ! Madame, c’est vous qui voulez être mère malgré tout le monde ; il n’est point d’yeux qui ne s’y opposent. Et si vous le vouliez, la Princesse Ériphile ne serait que votre sœur.

ARISTIONE.

Mon Dieu, Prince, je ne donne point dans tous ces galimatias où donnent la plupart des femmes ; je veux être mère, parce que je la suis, et ce serait en vain que je ne la voudrais pas être. Ce titre n’a rien qui me choque, puisque, de mon consentement, je me suis exposée à le recevoir. C’est un faible de notre sexe, dont, grâce au Ciel, je suis exempte ; et je ne m’embarrasse point de ces grandes disputes d’âge, sur quoi nous voyons tant de folles. Revenons à notre discours. Est-il possible que jusqu’ici vous n’ayez pu connaître où penche l’inclination d’Ériphile ?

IPHICRATE.

Ce sont obscurités pour moi.