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Deux caractères particuliers se font remarquer dans cette pièce : celui du Fou, qui ne ressemble en rien au Moron de la Princesse d’Élide, et qui n’est en réalité, suivant la juste observation de Voltaire, qu’un homme adroit qui, ayant la liberté de tout dire, s’en sert avec habileté et finesse, et celui de l’Astrologue. Molière, en faisant intervenir ce dernier personnage, a voulu se moquer d’une croyance fort accréditée de son temps, l’astrologie judiciaire, qui fut également attaquée par La Fontaine et Fénélon.

Si l’on en croit quelques commentateurs, Molière, dans le rôle d’Ériphile, aurait fait allusion à Mademoiselle, petite-fille de Henri IV, et à sa passion pour Lauzun. Suivant Petitot, « un an avant la représentation des Amants magnifiques, Louis XIV avait ordonné à cette princesse de renoncer à l’espoir d’épouser son amant ; et, deux mois après, elle eut la douleur de le voir enfermer à Pignerol. Louis XIV donna le sujet de cette pièce à Molière, les mémoires du temps s’accordent à l’attester : mais lui prescrivit-il de faire cette allusion ? rien n’est plus douteux. Il est naturel de croire que le roi dit à l’auteur de faire une comédie où deux princes se disputeraient en magnificence pour éblouir et charmer une princesse ; et que Molière, afin de donner de l’intérêt à un sujet si simple et si peu susceptible de fournir cinq actes, y joignit cet amour, dont la peinture dut singulièrement réussir en présence d’une cour qui savait toute cette intrigue. Il n’y eut que MADEMOISELLE qui dut souffrir. »

La sagacité de Petitot nous semble ici complètement en défaut. Si grande qu’ait été la hardiesse de Molière, peut-on supposer qu’il eût osé mettre en scène, en présence de toute la cour, une princesse du sang royal ? Comment supposer que le roi l’eût souffert ? On peut donc à priori, en se plaçant au point de vue des simples convenances, regarder l’assertion de Petitot comme très-hasardée. En se plaçant au point de vue des faits, on reconnaît qu’elle est complètement fausse. M. Taschereau, dans le passage suivant, ne laisse aucun doute à cet égard : « Le caractère bien connu de Molière serait une réfutation suffisante de l’étrange assertion renfermée dans les lignes que nous venons de rapporter ; car il n’est personne, nous l’espérons, qui, après avoir lu le Misanthrope et le Tartuffe, n’y ait reconnu, en même temps qu’un génie supérieur, un homme de bien, un cœur généreux. Mériterait-il donc ces deux titres, l’auteur qui, abusant de la protection d’un monarque, irait, en la mettant en scène aux yeux de toute la cour, aux yeux de la France entière, insulter à la douleur d’une princesse malheureuse ? Mais il est une réponse plus positive à faire à cette supposition offensante pour Molière : ELLE N'EST FONDÉE QUE SUR UN ANACHRONISME. Petitot dit qu’un an avant la représentation des Amants magnifiques