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SBRIGANI.

Et quand le père aura été averti par moi…

(Il lui parle encore à l’oreille.)
ÉRASTE.

Cela va le mieux du monde.

SBRIGANI.

Voici notre demoiselle. Allez vite, qu’il ne nous voie ensemble.


Scène II.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC en femme ; SBRIGANI.
SBRIGANI.

Pour moi, je ne crois pas qu’en cet état on puisse jamais vous connoître ; et vous avez la mine, comme cela, d’une femme de condition.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Voilà qui m’étonne, qu’en ce pays-ci les formes de la justice ne soient point observées.

SBRIGANI.

Oui, je vous l’ai déjà dit, ils commencent par faire pendre un homme, et puis ils lui font son procès.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Voilà une justice bien injuste !

SBRIGANI.

Elle est sévère comme tous les diables, particulièrement sur ces sortes de crimes.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Mais quand on est innocent ?

SBRIGANI.

N’importe, ils ne s’enquêtent point de cela ; et puis, ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays ; et ils ne sont point plus ravis que de voir pendre un Limosin.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Qu’est-ce que les Limosins leur ont fait ?

SBRIGANI.

Ce sont des brutaux, ennemis de la gentillesse et du mérite des autres villes. Pour moi, je vous avoue que je suis pour vous dans une peur épouvantable ; et je ne me consolerois de ma vie, si vous veniez à être pendu.