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MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, à part.

Elle voudroit bien me tenir.

JULIE.

Vous avez beau faire, nous serons mariés ensemble en dépit de tout le monde.

ORONTE.

Je vous en empêcherai bien tous deux, je vous assure. Voyez un peu quel vertigo lui prend.


Scène VII.

ORONTE, MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Mon Dieu ! notre beau-père prétendu, ne vous fatiguez point tant ; on n’a pas envie de vous enlever votre fille, et vos grimaces n’attraperont rien.

ORONTE.

Toutes les vôtres n’auront pas grand effet.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Vous êtes-vous mis dans la tête que Léonard de Pourceaugnac soit un homme à acheter chat en poche[1], et qu’il n’ait pas là dedans quelque morceau de judiciaire pour se conduire, pour se faire informer de l’histoire du monde, et voir, en se mariant, si son honneur a bien toutes ses sûretés ?

ORONTE.

Je ne sais pas ce que cela veut dire : mais vous êtes-vous mis dans la tête qu’un homme de soixante et trois ans ait si peu de cervelle, et considère si peu sa fille, que de la marier avec un homme qui a ce que vous savez, et qui a été mis chez un médecin pour être pansé ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

C’est une pièce qu’on m’a faite, et je n’ai aucun mal.

ORONTE.

Le médecin me l’a dit lui-même.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Le médecin en a menti. Je suis gentilhomme, et je le veux voir l’épée à la main.

ORONTE.

Je sais ce que j’en dois croire ; et vous ne m’abuserez pas

  1. Acheter un chat dans la poche du marchand, acquérir un objet sans l’examiner. « Elles (les files qui se marient) achèptent chat en sac. » (Montaigne, III, 5.)
    (F. Génin)