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L’APOTHICAIRE.

Assurément. On est bien aise au moins d’être mort méthodiquement. Au reste, il n’est pas de ces médecins qui marchandent les maladies ; c’est un homme expéditif, expéditif, qui aime à dépêcher ses malades ; et, quand on a à mourir, cela se fait avec lui le plus vite du monde.

ÉRASTE.

En effet, il n’est rien tel que de sortir promptement d’affaire.

L’APOTHICAIRE.

Cela est vrai. À quoi bon tant barguigner[1] et tant tourner autour du pot ? Il faut savoir vitement le court ou le long d’une maladie.

ÉRASTE.

Vous avez raison.

L’APOTHICAIRE.

Voilà déjà trois de mes enfants dont il m’a fait l’honneur de conduire la maladie, qui sont morts en moins de quatre jours, et qui, entre les mains d’un autre, auroient languis plus de trois mois.

ÉRASTE.

Il est bon d’avoir des amis comme cela.

L’APOTHICAIRE.

Sans doute. Il ne me reste plus que deux enfants, dont il prend soin comme des siens ; il les traite et gouverne à sa fantaisie, sans que je me mêle de rien ; et, le plus souvent, quand je reviens de la ville, je suis tout étonné que je les trouve saignés ou purgés par son ordre.

ÉRASTE.

Voilà les soins les plus obligeants du monde[2].

L’APOTHICAIRE.

Le voici, le voici, le voici qui vient.


Scène VIII.

ÉRASTE, PREMIER MÉDECIN, UN APOTHICAIRE, UN PAYSAN, UNE PAYSANNE.
LE PAYSAN, au médecin.

Monsieur, il n’en peut plus, et il dit qu’il sent dans la tête les plus grandes douleurs du monde.

  1. Barguigner, marchander ; barcaniare dans la basse latinité ; barguignier au treizième siècle. Voir F. Génin, Lexique, etc.
  2. Var. Voilà des soins fort obligeants.