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L’AVARE,

COMÉDIE EN CINQ ACTES,
1669.


NOTICE.


Cette pièce fut jouée pour la première fois le 9 septembre 1668. Voici le jugement qu’en a porté Voltaire :

« Le même préjugé qui avait fait tomber le Festin de Pierre, parcequ’il était en prose, nuisit au succès de l’Avare. Cependant le public qui, à la longue, se rend toujours au bon, finit par donner à cet ouvrage les applaudissements qu’il mérite. On comprit alors qu’il peut y avoir de fort bonnes comédies en prose, et qu’il y a peut-être plus de difficulté à réussir dans le style ordinaire, où l’esprit seul soutient l’auteur, que dans la versification, qui, par la rime, la cadence et la mesure, prête des ornements à des idées simples, que la prose n’embellirait pas. Il y a dans l’Avare quelques idées prises dans Plaute et embellies par Molière. Plaute avait imaginé le premier de faire en même temps voler la cassette de l’Avare et de séduire sa fille ; c’est de lui qu’est toute l’invention de la scène du jeune homme qui vient avouer le rapt, et que l’Avare prend pour le voleur. Mais on ose dire que Plaute n’a point assez profité de cette situation ; il ne l’a inventée que pour la manquer. Que l’on en juge par ce seul trait : l’amant de la fille ne paraît que dans cette scène ; il vient sans être annoncé ni préparé, et la fille elle-même n’y paraît point du tout. Tout le reste de la pièce est de Molière, caractères, critiques, plaisanteries ; il n’a imité que quelques lignes, comme cet endroit où l’Avare, parlant, peut-être mal à propos, aux spectateurs, dit : « Mon voleur n’est-il point parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire ! » (Quid est quod ridetis ? novi omnes, scio fures hic esse complures.) Et cet autre endroit encore où, ayant examiné les mains du valet qu’il soupçonne, il demande à voir la troisième : Ostende tertiam. Ces comparaisons de Plaute avec Molière sont toutes à l’avantage du dernier. »