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Valère

De votre fille ; et c’est seulement depuis hier qu’elle a pu se résoudre à nous signer mutuellement une promesse de mariage.

Harpagon

Ma fille t’a signé une promesse de mariage ?

Valère

Oui, Monsieur, comme, de ma part, je lui en ai signé une.

Harpagon

Ô ciel ! autre disgrâce[1] !

Maître Jacques, au commissaire.

Écrivez, Monsieur, écrivez.

Harpagon

Rengrègement de mal ! surcroît de désespoir ! (au commissaire.) Allons, Monsieur, faites le dû de votre charge ; et dressez-lui-moi son procès comme larron et comme suborneur.

Maître Jacques.

Comme larron et comme suborneur.

Valère

Ce sont des noms qui ne me sont point dus ; et quand on saura qui je suis…


Scène IV.

HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, VALÈRE, FROSINE, MAÎTRE JACQUES, UN COMMISSAIRE.
Harpagon

Ah ! fille scélérate ! fille indigne d’un père comme moi ! c’est ainsi que tu pratiques les leçons que je t’ai données ? Tu te laisses prendre d’amour pour un voleur infâme, et tu lui engages ta foi sans mon consentement ! Mais vous serez trompés l’un et l’autre. (À Élise.) Quatre bonnes murailles me répondront de ta conduite ; (à Valère) et une bonne potence, pendard effronté, me fera raison de ton audace[2].

  1. Le plus grand malheur pour un avare n’est pas de perdre sa fille, mais son trésor. C’est ce que Plaute n’a pas senti, lui qui fait dire à Euclion, dans une situation à peu près semblable : « Ainsi à mon malheur vient se joindre un malheur plus grand encore : Ita mihi ad malum malæ res plurima se agglutinant. » Molière ne fait jamais de pareilles fautes, parce qu’il n’oublie jamais le caractère de ses personnages. (Aimé Martin.)
  2. Var. Et une bonne potence me fera raison de ton audace.