Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres quand on vous a vue. (haut.) J’ai un petit ordre à donner, je viens vous retrouver dans un quart d’heure[1].



Scène VI

CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
Charlotte, à Mathurine.

Je suis celle qu’il aime, au moins.

Mathurine

C’est moi qu’il épousera.

Sganarelle, arrêtant Charlotte et Mathurine.

Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.



Scène VII

DON JUAN, CHARLOTTE, MATHURINE, SGANARELLE.
Don Juan, dans le fond du théâtre, à part.

Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas.

Sganarelle

Mon maître est un fourbe, il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (apercevant don Juan.) Cela est faux[2] ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez-le plutôt à lui-même.

Don Juan, regardant Sganarelle, et le soupçonnant d’avoir parlé.

Oui !

Sganarelle

Monsieur, comme le monde est plein de médisants, je vais au-devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il en aurait menti.

  1. L’idée si heureuse et si habilement exploitée, de faire courtiser en même temps deux villageoises par don Juan, appartient tout entière à Molière.
  2. L’arrivée de don Juan au moment où son valet le traite impitoyablement est