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Ne vous déferez-vous jamais avec moi de la familiarité de ce mot de « ma belle-mère » , et ne sauriez-vous vous accoutumer à me dire « Madame » ?

George Dandin
Parbleu ! si vous m’appelez votre gendre, il me semble que je puis vous appeler ma belle-mère.

Madame de Sotenville
Il y a fort à dire, et les choses ne sont pas égales. Apprenez, s’il vous plaît, que ce n’est pas à vous à vous servir de ce mot-là avec une personne de ma condition ; que tout notre gendre que vous soyez, il y a grande différence de vous à nous, et que vous devez vous connaître.

Monsieur de Sotenville
C’en est assez, mamour, laissons cela.

Madame de Sotenville
Mon Dieu ! Monsieur de Sotenville, vous avez des indulgences qui n’appartiennent qu’à vous, et vous ne savez pas vous faire rendre par les gens ce qui vous est dû.

Monsieur de Sotenville
Corbleu ! pardonnez-moi, on ne peut point me faire de leçons là-dessus, et j’ai su montrer en ma vie, par vingt actions de vigueur, que je ne suis point homme à démordre jamais d’un pouce de mes prétentions. Mais il suffit de lui avoir donné un petit avertissement. Sachons un peu, mon gendre, ce que vous avez dans l’esprit.

George Dandin
Puisqu’il faut donc parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j’ai lieu de…

Monsieur de Sotenville
Doucement, mon gendre. Apprenez qu’il n’est pas respectueux d’appeler les gens par leur nom, et qu’à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire «Monsieur » tout court.

George Dandin
Hé bien ! Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j’ai à vous dire que ma femme me donne…

Monsieur de Sotenville
Tout beau ! Apprenez aussi que vous ne devez pas dire « ma femme » , quand vous parlez de notre fille.

George Dandin