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paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition, et s’allier, comme j’ai fait, à la maison d’un gentilhomme ! La noblesse de soi est bonne, c’est une chose considérable assurément ; mais elle est accompagnée de tant de mauvaises circonstances, qu’il est très bon de ne s’y point frotter. Je suis devenu là-dessus savant à mes dépens, et connais le style des nobles lorsqu’ils nous font, nous autres, entrer dans leur famille. L’alliance qu’ils font est petite avec nos personnes : c’est notre bien seul qu’ils épousent, et j’aurais bien mieux fait, tout riche que je suis, de m’allier en bonne et franche paysannerie, que de prendre une femme qui se tient au-dessus de moi, s’offense de porter mon nom, et pense qu’avec tout mon bien je n’ai pas assez acheté la qualité de son mari. George Dandin, George Dandin, vous avez fait une sottise la plus grande du monde. Ma maison m’est effroyable maintenant, et je n’y rentre point sans y trouver quelque chagrin.


Scène 2

George Dandin, Lubin.

George Dandin, voyant sortir Lubin de chez lui.
Que diantre ce drôle-là vient-il faire chez moi ?

Lubin
Voilà un homme qui me regarde.

George Dandin
Il ne me connaît pas.

Lubin
Il se doute de quelque chose.

George Dandin
Ouais ! il a grand’peine à saluer.

Lubin
J’ai peur qu’il n’aille dire qu’il m’a vu sortir de là dedans.

George Dandin
Bonjour.

Lubin
Serviteur.

George Dandin
Vous n’êtes pas d’ici, que je crois ?

Lubin
Non, je n’y suis venu que pour voir la fête de demain.

George Dandin