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Orgon
Quoi ! vous êtes ici…


Monsieur Loyal
Quoi ! vous êtes ici… Monsieur, sans passion.

Ce n’est rien seulement qu’une sommation,
Un ordre de vider d’ici, vous et les vôtres,
1750Mettre vos meubles hors, et faire place à d’autres,
Sans délai ni remise, ainsi que besoin est.

Orgon
Moi ! sortir de céans ?


Monsieur Loyal
Moi ! sortir de céans ? Oui, monsieur, s’il vous plaît.

La maison à présent, comme savez de reste,
Au bon monsieur Tartuffe appartient sans conteste.
1755De vos biens désormais il est maître et seigneur,
En vertu d’un contrat duquel je suis porteur.
Il est en bonne forme, et l’on n’y peut rien dire.

Damis, à M. Loyal.
Certes cette impudence est grande, et je l’admire !


Monsieur Loyal, à Damis.
Monsieur, je ne dois point avoir affaire à vous ;

(Montrant Orgon.)
1760C’est à monsieur : il est et raisonnable et doux,
Et d’un homme de bien il sait trop bien l’office,
Pour se vouloir du tout opposer à justice.

Orgon
Mais…


Monsieur Loyal
Mais… Oui, monsieur, je sais que pour un million

Vous ne voudriez pas faire rébellion,
1765Et que vous souffrirez en honnête personne
Que j’exécute ici les ordres qu’on me donne.

Damis
Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon,

Monsieur l’huissier à verge, attirer le bâton.

Monsieur Loyal, à Orgon.
Faites que votre fils se taise ou se retire,

1770Monsieur. J’aurais regret d’être obligé d’écrire,
Et de vous voir couché dans mon procès-verbal.

Dorine, à part.
Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal.