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Et soyez pour cela dans le milieu qu’il faut.
1625Gardez-vous, s’il se peut, d’honorer l’imposture ;
Mais au vrai zèle aussi n’allez pas faire injure,
Et s’il vous faut tomber dans une extrémité,
Péchez plutôt encor de cet autre côté.



Scène 2

Orgon, Cléante, Damis.


Damis
Quoi ! mon père, est-il vrai qu’un coquin vous menace ?

1630Qu’il n’est point de bienfait qu’en son âme il n’efface,
Et que son lâche orgueil, trop digne de courroux,
Se fait de vos bontés des armes contre vous ?

Orgon
Oui, mon fils ; et j’en sens des douleurs nonpareilles.


Damis
Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles.

1635Contre son insolence on ne doit point gauchir :
C’est à moi tout d’un coup de vous en affranchir ;
Et, pour sortir d’affaire, il faut que je l’assomme.

Cléante
Voilà tout justement parler en vrai jeune homme.

Modérez, s’il vous plaît, ces transports éclatants.
1640Nous vivons sous un règne et sommes dans un temps
Où par la violence on fait mal ses affaires.



Scène 3

Madame Pernelle, Orgon, Elmire, Cléante, Mariane, Damis, Dorine.


Madame Pernelle
Qu’est-ce ? J’apprends ici de terribles mystères !


Orgon
Ce sont des nouveautés dont mes yeux sont témoins,

Et vous voyez le prix dont sont payés mes soins.
1645Je recueille avec zèle un homme en sa misère,
Je le loge, et le tiens comme mon propre frère ;
De bienfaits chaque jour il est par moi chargé ;
Je lui donne ma fille et tout le bien que j’ai :
Et, dans le même temps, le perfide, l’infâme,
1650Tente le noir dessein de suborner ma femme ;
Et, non content encor de ces lâches essais,
Il m’ose menacer de mes propres bienfaits,