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Et l’amour-propre engage à se tromper soi-même.
Faites-le-moi descendre.
Faites-le-moi descendre. (À Cléante et à Mariane.)
Faites-le-moi descendre. Et vous, retirez-vous.



Scène 4

Elmire, Orgon.


Elmire
1360Approchons cette table, et vous mettez dessous.


Orgon
Comment !


Elmire
Comment ! Vous bien cacher est un point nécessaire.


Orgon
Pourquoi sous cette table ?


Elmire
Pourquoi sous cette table ? Ah ! mon Dieu ! laissez faire ;

J’ai mon dessein en tête, et vous en jugerez.
Mettez-vous là, vous dis-je ; et, quand vous y serez,
1365Gardez qu’on ne vous voie et qu’on ne vous entende.

Orgon
Je confesse qu’ici ma complaisance est grande :

Mais de votre entreprise il vous faut voir sortir.

Elmire
Vous n’aurez, que je crois, rien à me repartir.

(À son mari, qui est sous la table.)
Au moins, je vais toucher une étrange matière :
1370Ne vous scandalisez en aucune manière.
Quoi que je puisse dire, il doit m’être permis ;
Et c’est pour vous convaincre, ainsi que j’ai promis.
Je vais par des douceurs, puisque j’y suis réduite,
Faire poser le masque à cette âme hypocrite,
1375Flatter de son amour les désirs effrontés,
Et donner un champ libre à ses témérités.
Comme c’est pour vous seul, et pour mieux le confondre,
Que mon âme à ses vœux va feindre de répondre,
J’aurai lieu de cesser dès que vous vous rendrez,
1380Et les choses n’iront que jusqu’où vous voudrez.
C’est à vous d’arrêter son ardeur insensée,
Quand vous croirez l’affaire assez avant poussée ;
D’épargner votre femme, et de ne m’exposer
Qu’à ce qu’il vous faudra pour vous désabuser,