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LYCARSIS.

C’est blesser ma pudeur que me flatter ainsi.

ÉROXÈNE.

Non, non, n’affectez point de modestie ici.

DAPHNÉ.

Enfin tout notre bien est en votre puissance.

ÉROXÈNE.

C’est de vous que dépend notre unique espérance.

DAPHNÉ.

Trouverons-nous en vous quelques difficultés ?

LYCARSIS.

Ah !

ÉROXÈNE.

Ah !
Nos vœux, dites-moi, seront-ils rejetés ?

LYCARSIS.

Non : j’ai reçu du Ciel une âme peu cruelle ;
Je tiens de feu ma femme, et je me sens comme elle
Pour les désirs d’autrui beaucoup d’humanité,
Et je ne suis point homme à garder de fierté.

DAPHNÉ.

Accordez donc Myrtil à notre amoureux zèle.

ÉROXÈNE.

Et souffrez que son choix règle notre querelle.

LYCARSIS.

Myrtil !

DAPHNÉ.

Myrtil !Oui, c’est Myrtil que de vous nous voulons.

ÉROXÈNE.

De qui pensez-vous donc qu’ici nous vous parlons ?

LYCARSIS.

Je ne sais ; mais Myrtil n’est guère dans un âge
Qui soit propre à ranger au joug du mariage.

DAPHNÉ.

Son mérite naissant peut frapper d’autres yeux ;
Et l’on veut s’engager un bien si précieux,
Prévenir d’autres cœurs, et braver la Fortune
Sous les fermes liens d’une chaîne commune.

ÉROXÈNE.

Comme par son esprit et ses autres brillants
Il rompt l’ordre commun et devance le temps,
Notre flamme pour lui veut en faire de même,