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Il efface à mes yeux tout ce qu’on voit paraître ;
Et si j’avois un sceptre, il en seroit le maître.

DAPHNÉ.

Ce seroit donc en vain qu’à chacune, en ce jour,
On nous voudroit du sein arracher cet amour :
Nos âmes dans leurs vœux sont trop bien affermies.
Ne tâchons, s’il se peut, qu’à demeurer amies ;
Et puisque, en même temps, pour le même sujet,
Nous avons toutes deux formé même projet,
Mettons dans ce débat la franchise en usage,
Ne prenons l’une et l’autre aucun lâche avantage,
Et courons nous ouvrir ensemble à Lycarsis
Des tendres sentiments où nous jette son fils.

ÉROXÈNE.

J’ai peine à concevoir, tant la surprise est forte,
Comme un tel fils est né d’un père de la sorte ;
Et sa taille, son air, sa parole et ses yeux
Feroient croire qu’il est issu du sang des Dieux ;
Mais enfin j’y souscris, courons trouver ce père,
Allons lui de nos cœurs découvrir le mystère,
Et consentons qu’après Myrtil entre nous deux
Décide par son choix ce combat de nos vœux.

DAPHNÉ.

Soit. Je vois Lycarsis avec Mopse et Nicandre ;
Ils pourront le quitter : cachons-nous pour attendre.


Scène III.


LYCARSIS, MOPSE, NICANDRE.

NICANDRE.

Dis-nous donc ta nouvelle.

LYCARSIS.

Dis-nous donc ta nouvelle. Ah ! que vous me pressez !
Cela ne se dit pas comme vous le pensez.

MOPSE.

Que de sottes façons, et que de badinage !
Ménalque pour chanter n’en fait pas davantage.

LYCARSIS.

Parmi les curieux des affaires d’État,
Une nouvelle à dire est d’un puissant éclat.