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DAPHNÉ.

Pour tous les soins d’Acanthe on me voit inflexible,
Parce qu’à d’autres vœux je me trouve sensible.

ÉROXÈNE.

Je ne fais pour Tyrène éclater que rigueur,
Parce qu’un autre choix est maître de mon cœur.

DAPHNÉ.

Puis-je savoir de toi ce choix qu’on te voit taire ?

ÉROXÈNE.

Oui, si tu veux du tien m’apprendre le mystère.

DAPHNÉ.

Sans te nommer celui qu’Amour m’a fait choisir,
Je puis facilement contenter ton désir,
Et de la main d’Atis, ce peintre inimitable,
J’en garde dans ma poche un portrait admirable,
Qui jusqu’au moindre trait lui ressemble si fort,
Qu’il est sûr que tes yeux le connoîtront d’abord.

ÉROXÈNE.

Je puis te contenter par une même voie,
Et payer ton secret en pareille monnoie :
J’ai de la main aussi de ce peintre fameux,
Un aimable portrait de l’objet de mes vœux,
Si plein de tous ses traits et de sa grâce extrême,
Que tu pourras d’abord te le nommer toi-même.

DAPHNÉ⋅

La boîte que le peintre a fait faire pour moi
Est tout à fait semblable à celle que je voi.

ÉROXÈNE.

Il est vrai, l’une à l’autre entièrement ressemble,
Et certe il faut qu’Atis les ait fait faire ensemble.

DAPHNÉ.

Faisons en même temps, par un peu de couleurs,
Confidence à nos yeux du secret de nos cœurs.

ÉROXÈNE.

Voyons à qui plus vite entendra ce langage,
Et qui parle le mieux, de l’un ou l’autre ouvrage.

DAPHNÉ.

La méprise est plaisante, et tu te brouilles bien :
Au lieu de ton portrait tu m’as rendu le mien.

ÉROXÈNE.

Il est vrai, je ne sais comme j’ai fait la chose.