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Alceste
Je jure hautement de ne la voir jamais.


Oronte
Madame, c’est à vous de parler sans contrainte.


Alceste
Madame, vous pouvez vous expliquer sans crainte.


Oronte
Vous n’avez qu’à nous dire où s’attachent vos vœux.


Alceste
1620Vous n’avez qu’à trancher et choisir de nous deux.


Oronte
Quoi ! sur un pareil choix vous semblez être en peine.


Alceste
Quoi ! votre âme balance et paraît incertaine !


Célimène
Mon Dieu ! que cette instance est là hors de saison !

Et que vous témoignez tous deux peu de raison !
1625Je sais prendre parti sur cette préférence,
Et ce n’est pas mon cœur maintenant qui balance :
Il n’est point suspendu sans doute entre vous deux,
Et rien n’est si tôt fait que le choix de nos vœux ;
Mais je souffre, à vrai dire, une gêne trop forte
1630À prononcer en face un aveu de la sorte :
Je trouve que ces mots qui sont désobligeants,
Ne se doivent point dire en présence des gens.
Qu’un cœur de son penchant donne assez de lumière,
Sans qu’on nous fasse aller jusqu’à rompre en visière ;
1635Et qu’il suffit enfin que de plus doux témoins[1]
Instruisent un amant, du malheur de ses soins.

Oronte
Non, non, un franc aveu n’a rien que j’appréhende ;

J’y consens pour ma part.

Alceste
J’y consens pour ma part. Et moi, je le demande ;

C’est son éclat surtout qu’ici j’ose exiger,
1640Et je ne prétends point vous voir rien ménager.
Conserver tout le monde est votre grande étude :
Mais plus d’amusement, et plus d’incertitude ;
Il faut vous expliquer nettement là-dessus ;

  1. Témoin est ici pour témoignage.