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Scène 2

Alceste, Éliante, Philinte.


Alceste
Ah ! faites-moi raison, madame, d’une offense

Qui vient de triompher de toute ma constance.

Éliante
Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous qui vous puisse émouvoir ?


Alceste
1220J’ai ce que, sans mourir, je ne puis concevoir ;

Et le déchaînement de toute la nature
Ne m’accablerait pas comme cette aventure.
C’en est fait… Mon amour… Je ne saurais parler.

Éliante
Que votre esprit un peu tâche à se rappeler[1].


Alceste
1225Ô juste ciel ! faut-il qu’on joigne à tant de grâces

Les vices odieux des âmes les plus basses !

Éliante
Mais encor, qui vous peut… ?


Alceste
Mais, encor, qui vous peut… Ah ! tout est ruiné ;

Je suis, je suis trahi, je suis assassiné.
Célimène… (eût-on pu croire cette nouvelle ? )
1230Célimène me trompe, et n’est qu’une infidèle.

Éliante
Avez-vous, pour le croire, un juste fondement ?


Philinte
Peut-être est-ce un soupçon conçu légèrement ;

Et votre esprit jaloux prend parfois des chimères…

Alceste
Ah ! morbleu ! mêlez-vous, monsieur, de vos affaires.

à Éliante.
1235C’est de sa trahison n’être que trop certain,
Que l’avoir, dans ma poche, écrite de sa main.
Oui, madame, une lettre écrite pour Oronte
A produit à mes yeux ma disgrâce et sa honte ;
Oronte, dont j’ai cru qu’elle fuyait les soins,
1240Et que de mes rivaux je redoutais le moins.

  1. Ce vers et les cinq précédents sont empruntés à Don Garcia de Navarre. La scène suivante est également empruntée à la même pièce.