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Je puis vous dire la même chose, et je sens comme vous des mouvements de joie qui m’empêchent de pouvoir parler.

Clitandre
Ah, Madame ! que je serais heureux ! s’il était vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et qu’il me fût permis de juger de votre âme par la mienne. Mais, Madame, puis-je au moins croire que ce soit à vous à qui je doive la pensée de cet heureux stratagème, qui me fait jouir de votre présence ?

Lucinde
Si vous ne m’en devez pas la pensée, vous m’êtes redevable, au moins d’en avoir approuvé la proposition avec beaucoup de joie.

Sganarelle, à Lisette.
Il me semble qu’il lui parle de bien près.

Lisette, à Sganarelle.
C’est qu’il observe sa physionomie, et tous les traits de son visage.

Clitandre, à Lucinde.
Serez-vous constante, Madame, dans ces bontés que vous me témoignez ?

Lucinde
Mais vous, serez-vous ferme dans les résolutions que vous avez montrées ?

Clitandre
Ah ! Madame, jusqu’à la mort. Je n’ai point de plus forte envie que d’être à vous, et je vais le faire paraître dans ce que vous m’allez voir faire.

Sganarelle
Hé bien, notre malade, elle me semble un peu plus gaie.

Clitandre
C’est que j’ai déjà fait agir sur elle un de ces remèdes, que mon art m’enseigne. Comme l’esprit a grand empire sur le corps, et que c’est de lui bien souvent que procèdent les maladies, ma coutume est de courir à guérir les esprits, avant que de venir au corps. J’ai donc observé ses regards, les traits de son visage, et les lignes de ses deux mains : et par la science que le Ciel m’a donnée, j’ai reconnu que c’était de l’esprit qu’elle était malade, et que tout son mal ne venait