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Sganarelle

Monsieur, vous vous moquez. M’exposer à être tué sous vos habits, et… !

Don Juan

Allons vite, c’est trop d’honneur que je vous fais ; et bien heureux est le valet qui peut avoir la gloire de mourir pour son maître[1].

Sganarelle

Je vous remercie d’un tel honneur. seul. Ô Ciel, puisqu’il s’agit de mort, fais-moi la grâce de n’être point pris pour un autre !



ACTE TROISIÈME


Le théâtre représente une forêt.



Scène I

DON JUAN, en habit de campagne, SGANARELLE, en médecin.
Sganarelle

Ma foi, monsieur, avouez que j’ai eu raison, et que nous voilà l’un et l’autre déguisés à merveille. Votre premier dessein n’était point du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous vouliez faire.

Don Juan

Il est vrai que te voilà bien ; et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule.

Sganarelle

Oui ? C’est l’habit d’un vieux médecin, qui a été laissé en gage au lieu où je l’ai pris, et il m’en a coûté de l’argent pour l’avoir. Mais savez-vous, monsieur, que cet habit me met déjà en considération, que je suis salué des gens que je rencontre, et que l’on me vient consulter ainsi qu’un habile homme ?

  1. Ce troc d’habits se trouve dans les deux imitations françaises du Festin de Pierre, qui ont précédé celle de Molière ; mais il n’y est pas seulement en projet comme ici, il s’exécute sur le théâtre même : don Juan s’évade, et son valet, tombé entre les mains des archers, leur échappe par un mensonge.
    Anger.