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J.-B. POQUELIN DE MOLIÈRE.

par les fenêtres. Elle n’hésita point ; elle les jeta à ce peuple amassé, en le priant, avec des termes si touchants, de donner des prières à son mari, qu’il n’y eut personne de ces gens-là qui ne priât Dieu de tout son cœur. »

Le convoi se fit le mardi 21 février. Deux prêtres marchaient en tête sans chanter, et tous les amis suivaient dans un grand recueillement, portant chacun un flambeau à la main[1]. L’illustre mort fut inhumé dans le cimetière qui existait alors derrière la chapelle Saint-Joseph, rue Montmartre[2].

    pour estre confessé, qu’il est mort dans le sentinnent d’un bon chrestien, ainsi qu’il l’a tesmoigné en présence des deux dames religieuses, demeurant en la même maison, d’un gentilhomme nommé M. Couton, entre les bras de qui il est mort, et de plusieurs autres personnes, et que M. Bernard, prestre habitué en l’église de Sainct-Germain, lui a administré les sacrements à Pasque dernier, il vous plaise de grâce spécialle, accorder à ladicle suppliante que sondict feu mary soit inhumé et enterré dans ladicte église de Sainct Eustache, sa paroisse, dans les voyes ordinaires et accoutumées, et ladicte suppliante continuera les prières à Dieu pour vostres prospérité et santé, et ont signé. Ainsy signé,

    Le Vasseur et Aubry.

  1. On lit ce qui suit dans une relation contemporaine faite par M. Boyvin, prêtre, docteur en théologie à Saint-Joseph :
    xxxx « Quatre jours après la mort de Molière, le mardi 21 février 1673, l’on fit sur les neuf heures du soir « le convoi de Jean-Baptiste Poquelin Molière, tapissier valet de chambre, illustre comédien, sans autre pompe, sinon de trois ecclésiastiques : quatre prêtres ont porté le corps dans une bière de bois, couverte du poêle des tapissiers, six enfants bleus portant six cierges dans six chandeliers d’argent, plusieurs laquais portant des flambeaux de cire blanche allumés. Le corps pris rue de Richelieu devant l’hôtel de Crussol, a été porté au cimetière de Saint-Joseph, et enterré au pied de la croix. Il y avoit grande foule de peuple et l’on a fait distribution de mille à douze cents livres aux pauvres qui s’y sont trouvés, à chacun cinq sols. »
  2. Le cimetière de Saint Joseph, dit aussi du Petit Saint-Eustache, était consacré à la sépulture des suicidés et des enfants morts sans baptême. La Fontaine y fut aussi enterré. Il devint le siége d’une des sections de la Commune de Paris.