petits yeux. » De plus, elle était très-maigre, mais sa voix avait un charme sans égal.
« Si la Molière, dit un écrivain contemporain, l’auteur des Entretiens galants, retouche quelquefois à ses cheveux, si elle raccommode ses nœuds et ses pierreries, ces petites façons cachent une critique judicieuse et naturelle. Elle entre par là dans le ridicule des femmes qu’elle veut jouer. Mais enfin, avec tous ces avantages, elle ne plairait pas tant si sa voix était moins touchante. Elle en est si persuadée elle-même que l’on voit bien qu’elle prend autant de divers tons qu’elle a de rôles différents. » Molière avait été séduit, comme le public, par l’habile comédienne ; il ne se dissimulait pas ses imperfections physiques, mais à toute chose il trouvait une excuse, et c’était lui-même qu’il faisait parler par la bouche de Cléonte, dans cette scène du Bourgeois gentilhomme[1] :
« — Elle a les yeux petits, dit Covielle.
« — Cela est vrai, répond Cléonte, elle a les yeux petits, mais les a pleins de feu, les plus brillants, les plus perçants du monde, les plus touchants qu’on puisse voir.
« — Elle a la bouche grande, ajoute Covielle.
« — Oui ; mais on y voit des grâces qu’on ne voit point aux autres bouches, et cette bouche, en la voyant, inspire des désirs, est la plus attrayante, la plus amoureuse du monde.
« — Pour la taille, elle n’est pas grande.
« — Non, mais elle est aisée et bien prise…
« — Pour de l’esprit…
« — Elle en a, Covielle, du plus fin, du plus délicat…
« — Elle est toujours sérieuse.
« — Veux-tu de ces enjouements épanouis, de ces
- ↑ Acte III, sc. ix.