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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

les puissants de celui-ci. Ils reviennent donc. M. de Modène (l’amant de Madeleine Béjard), qui est à Bruxelles, rompt son ban d’exil en 1643. Parti avec M. de Guise, il revient avec lui.

« La Béjart le laissera-t-elle à Paris, sans y retourner elle-même ? Mais, d’un autre côté, étant sur le point de devenir mère, s’exposera-t-elle aux reproches que lui mériteraient ces nouvelles galanteries, cette infidélité coupable dont sa grossesse est l’indiscrétion, et hasardera-t-elle ainsi ce qui lui reste d’espoir pour épouser le père de sa première fille, et devenir baronne de Modène ? Ce serait insensé. Le retour à Paris est donc retardé jusqu’à ce que la faute commise puisse être dissimulée. Il y a là pour la famille entière, dont cette alliance avec les Modène a dû être le rêve, un intérêt de la plus haute importance. On s’y prête donc d’un commun accord. La mère Béjart, à la naissance de la première fille, voyant quel gage ce pouvait être pour le mariage espéré, n’a pas fait la sévère et la prude, loin de là, en grand’mère complaisante, elle a été la marraine de l’enfant comme s’il eût été légitime[1]. Elle n’aura pas cette fois moins de complaisance, mais ce sera d’une façon différente. En 1638, elle aidait à la publicité, à la consécration d’une naissance utile ; en 1644, elle aidera bien mieux encore à dissimuler une naissance dangereuse. C’est elle qui sera déclarée mère dans l’acte du baptême ; Armande sera sa fille, et Madeleine, à qui il importe tant, lorsqu’elle reverra M. de Modène, de n’avoir à lui présenter qu’une enfant, leur petite Françoise, Madeleine n’aura qu’une sœur de plus. Ce n’est pas encore assez de cette combinaison. L’on peut flairer l’invraisemblance sous cette comédie de comédiens ; la vue de la petite fille peut faire naître

  1. Voy. l’acte de naissance de Françoise, fille de Madeleine Béjart et du baron de Modène, dans les Lettres de M. de Fortia, sur la femme de Molière. 1825 ; in-8o, p. 85