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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

Il est fort difficile de suivre cette troupe et son chef à travers leurs voyages ; mais à défaut de renseignements précis, les commentateurs et les biographes se sont mis en frais d’invention. En 1648, ils font jouer Molière devant « le duc d’Epernon, si fameux sous le règne de Henri III et de Henri IV, » lequel duc était mort à quatre-vingt-huit ans, le 15 janvier 1642. Ils ramènent notre poëte à Paris, en 1650, et le font figurer plusieurs fois dans le cours de cette année devant le prince de Conti, qui le faisait, disent-ils, venir dans son hôtel avec sa troupe, et il se trouve que ce prince, nommé généralissime des Parisiens révoltés en 1649, s’occupait alors de tout autre chose que de comédie ; qu’il fut arrêté le 17 janvier 1650, conduit à Vincennes, puis à Marcoussis, et de là au Havre, d’où il ne sortit que le 13 février 1651. Dans ce premier itinéraire de notre grand comique, les faits ne manquent pas, on le voit, quand on les accepte sans contrôle, mais quand on vérifie, il reste peu de chose. Tout ce qu’on sait de positif, c’est que, deux ans après son départ de Paris, en 1648, Molière était à Nantes ; qu’on le retrouve ensuite à Bordeaux, où, selon toute apparence, il fit représenter une tragédie de sa composition, la Thébaïde, puis à Vienne, et enfin à Lyon en 1653.

Jusque-là, tout en courant la province, l’auteur des Femmes savantes n’avait composé que des canevas dans le goût italien, le Médecin volant, la Jalousie du Barbouillé, les Docteurs rivaux, le Maître d’école, le Docteur amoureux ; mais à Lyon il fit jouer sa première grande pièce, l’Étourdi, qui fut très-bien reçue du public. Il se rendit de Lyon à Avignon, séjourna ensuite à Pézénas, à Narbonne[1], et vers la fin de 1654, à Montpellier, sui-

  1. Voy. sur le séjour de Molière dans ces différentes villes, Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de Molière, 1844, p. 18 et suiv. — On trouve dans les Mémoires d’un archevêque d’Aix, Daniel de Cosnac, de curieux détails longtemps inconnus, sur cette époque de la vie de Molière. Voici ces détails : « Aussitôt