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500 NOTICE. tique de l’École des Femmes; mais W ne se contenta point de faire rire aux dépens de ses adversaires. Le grand poëte comique re- pariit sons l’auteur oiïensé. Tout ea groupant, dans un canevas sans intrigue, quelques personnages rapidement esquisses , il présenta le tableau fidèle des coteries mondaines de son temps. « Cette critique, dit avec raison M. Aimé Martin, n’est qu’un simple dialogue, mais dans ce dialogue tout est vivant, tout marche au but que se propose l’auteur. Voyez avec quel bon- heur, avant de commencer à se défendre, l’auteur fait compa- roître à son tribunal les dinérentes cabales liguées contre lui ! Cliviéne, qui fait des mots nouveaux, et qui a les oreilles ■plus chastes que tout le reste du corps, représente à elle seule toute la coterie des précieuses Le marquis est le patron de ces merveilleux du jour qui jugent une pièce avant de l’avoir vue, et qui pronon- cent en mailres sur les choses qu’ils ne sauroient comprendre. Lysidas, qui ne veut pas qu’en juge un ouvrage par le plaisir qu’il donne, mais bien par les règles de la grammaire et de la rhétorique, représente au naturel ces pédants qui emploient le peu d’esprit qu’ils ont à cacher leur médiocrité sous un faux sa- voir, et l’envie qui les ronge sous une modération affectée. Pire «spcce, auroit dit la Fontaine, fléaux du génie et de la société. A ces caractères, qui sont placés là pour représenter toutes les passions d’une coterie, Molière a soin d’opposer quelques carac- tères particuliers qui représeiitcTit la raison publique, qui n’est d’aucune coterie, et qui finit toujours par les- écraser toutes. Tels sont ici les personnages d’Uranie, d’EIise et de Dorante. » La Critique de l’École des Femmes, que M. Anger appelle un « monument ingénieux d’une juste vengeance; l’image piquante et fidèle d’une conversation où la raison et la folie, l’esprit et la sottise, l’instruction polie et le savoir pédantesque, semblent étaler à l’envi leurs grâces et leurs ridicules pour se faire valoir mutuellement par le contraste ; » la Critique, disons-nous, ob- lint un grand succès; mais par ce succès même, elle ne fit qu’exciter pins vivement encore la colère et la jalousie des ad- versaires de l’auteur, et elle devint le signal d’une polémique où Molière, placé, comme nous le verrons plus loin, dans le cas de légitime défense, reparut armé de toute sa verve et de tonte son ironie. Quelques-uns des caractères esquissés dans la pièce qu’on va lire ont été développés dans les Femmes savantes, suprême et der- nier combat d’une guerre où les Précieuses et la Critique n’étaient en quelque sorte que des escarmouches. Le Lysidas tii’ In Critique, en se dédoublant dans les Femmes savantes, deviendra Trissotin et Vadius; Climène annonce déjà Philaminte, comme Dorante annonce Clitandre, comme Elise annonce Henriette. Du reste, il lie faut point s’étonner ^ue Molière ait insisté complaisam-