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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

des fossés de Nesle eut alors de fâcheuses journées. On y avait applaudi pour rien, on y siffla pour de l’argent. Après cette épreuve, et sans doute après plusieurs autres non moins douloureuses, car je suppose que si son amour-propre pâtit des déboires du comédien, sa bourse souffrit de même des mésaventures du directeur, et que cette première entreprise n’alla pas pour lui sans de grosses dettes, peut-être même sans quelques poursuites, Poquelin ne douta plus qu’il n’était pas facile de faire un théâtre avec des gens de distinction, et qu’il fallait toujours, pour avoir « une troupe d’élite, » en revenir aux personnes du métier. C’est alors, environ dans les premiers mois de 1644, que la Béjart et les siens lui arrivèrent heureusement en aide.

« Les deux petites compagnies dramatiques, celle que ramenait la Béjart et celle que Molière avait formée avec tant de peine et si peu de succès, se mêlèrent et composèrent ainsi un ensemble assez recommandable pour que Tallemant des Réaux pût dire que Paris avait alors, en outre des comédiens de l’Hôtel et des comédiens du Marais, un nouveau théâtre, « une troisième troupe. » Le nom d’Illustre Théâtre lui fut conservé. Les Béjart, en effet, se prétendaient d’assez bonne maison pour ne pas faire tache parmi les jeunes gens de distinction qui lui avaient fait donner ce titre. N’étaient-ils pas d’une famille de robe, et un livre de généalogie ne devait-il pas prouver bientôt qu’ils descendaient du sergent d’armes de Charles V ? Molière resta chef de la troupe, de moitié avec la Béjart, dont les intérêts ne se séparèrent plus des siens, et afin que leur commune entreprise eût sur un terrain nouveau l’espoir d’une fortune différente, ils se hâtèrent de changer de quartier. Du jeu de paume des fossés de Nesle, qui leur avait été si peu favorable, ils émigrèrent dans un autre des environs du port Saint-Paul, vers la rue des Jardins, où les Béjart, nés et élevés tous dans ces parages, croyaient pouvoir compter sur des amis. La for-