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Que vous dirai-je ? Enfin cette aimable personne
A suivi les conseils que son amour lui donne,

N’a plus voulu songer à retourner chez soi,
Et de tout son destin s’est commise à ma foi.
Considérez un peu, par ce trait d’innocence,
Où l’expose d’un fou la haute impertinence,
Et quels fâcheux périls elle pourrait courir,
Si j’étais maintenant homme à la moins chérir.
Mais d’un trop pur amour mon âme est embrasée :
J’aimerais mieux mourir que l’avoir abusée ;
Je lui vois des appas dignes d’un autre sort,
Et rien ne m’en saurait séparer que la mort.
Je prévois là-dessus l’emportement d’un père ;
Mais nous prendrons le temps d’apaiser sa colère.
À des charmes si doux je me laisse emporter,
Et dans la vie enfin il se faut contenter.
Ce que je veux de vous, sous un secret fidèle,
C’est que je puisse mettre en vos mains cette belle,
Que dans votre maison, en faveur de mes feux,
Vous lui donniez retraite au moins un jour ou deux.
Outre qu’aux yeux du monde il faut cacher sa fuite,
Et qu’on en pourra faire une exacte poursuite,
Vous savez qu’une fille aussi de sa façon
Donne avec un jeune homme un étrange soupçon ;
Et comme c’est à vous, sûr de votre prudence,
Que j’ai fait de mes feux entière confidence,
C’est à vous seul aussi, comme ami généreux,

Que je puis confier ce dépôt amoureux.

Arnolphe.

Je suis, n’en doutez point, tout à votre service.

Horace.

Vous voulez bien me rendre un si charmant office ?

Arnolphe.

Très volontiers, vous dis-je ; et je me sens ravir
De cette occasion que j’ai de vous servir,
Je rends grâces au Ciel de ce qu’il me l’envoie,
Et n’ai jamais rien fait avec si grande joie.

Horace.

Que je suis redevable à toutes vos bontés !
J’avais de votre part craint des difficultés ;
Mais vous êtes du monde, et dans votre sagesse