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J.-B. POQUELIN DE MOLIÈRE.

roit, pourvu qu’elle n’excédât pas ses forces. » Rien n’y fit. Poquelin n’avait plus d’obéissance que pour sa vocation. L’état qu’elle lui ouvrait lui semblait le seul qu’il fût capable de bien tenir, et il trouvait d’ailleurs que c’était le plus beau, le plus noble du monde.

« Le roi, par une récente ordonnance, enregistrée au parlement le 16 avril 1641, n’avait-il pas relevé le métier de comédien du mépris où le reléguait le commun préjugé, et n’avait-il pas notamment déclaré qu’il ne pouvait plus être « imputé à l’âme ? » Je répondrai que cet édit de 1641, la seule chose peut-être qu’il eût hautement appréciée dans l’étude qu’il fit des lois, eut quelque part dans la résolution qu’il prit l’année suivante. C’était une arme contre le préjugé dont son père soutenait son mauvais vouloir à l’endroit du théâtre, et vis-à-vis de lui-même il pouvait s’en faire aussi une sorte de justification de sa désobéissance. Il lui était désormais permis, en effet, de déclarer, en vertu d’une ordonnance royale, qu’on ne dérogeait pas en se mettant au théâtre, et que, pour lui, par exemple, l’emploi de comédien pouvait fort bien se concilier avec la charge de tapissier du roi, dont il avait la survivance.

« L’influence de l’édit de 1641 fut sans doute aussi pour quelque chose dans l’assentiment que donnèrent à ses idées de théâtre « plusieurs enfants de famille, qui, par son exemple, dit le comédien Marcel, son premier biographe, s’engagèrent comme lui dans le parti de la comédie.» Poquelin eut ainsi une troupe, et comme par la qualité de ceux dont il l’avait formée, elle se distinguait de la plupart des autres, composées de gens d’assez basse espèce, il crut, pour lui conserver son rang par un titre à l’avenant, pouvoir lui donner celui d’Illustre Théâtre. Le mérite des acteurs ne répondait pas malheureusement à leur qualité. Tant qu’ils jouèrent gratis, et sans doute aux dépens de la petite fortune de Poquelin, on les toléra ; mais lorsqu’ils prétendirent à des recettes, ce fut autre chose. Le petit théâtre