Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/579

Cette page n’a pas encore été corrigée

en tout avec précaution,
De tant d’autres maris j’aurais quitté la trace
Pour me trouver après dans la même disgrâce ?
Ah ! bourreau de destin, vous en aurez menti.
De l’objet qu’on poursuit je suis encor nanti ;
Si son cœur m’est volé par ce blondin funeste,
J’empêcherai du moins qu’on s’empare du reste,
Et cette nuit, qu’on prend pour le galant exploit,
Ne se passera pas si doucement qu’on croit.
Ce m’est quelque plaisir, parmi tant de tristesse,
Que l’on me donne avis du piége qu’on me dresse,
Et que cet étourdi, qui veut m’être fatal,
Fasse son confident de son propre rival.


Scène 8



Chrysalde, Arnolphe


Chrysalde.

Hé bien, souperons-nous avant la promenade ?

Arnolphe.

Non, je jeûne ce soir.

Chrysalde.

D’où vient cette boutade ?

Arnolphe.

De grâce, excusez-moi : j’ai quelque autre embarras.

Chrysalde.

Votre hymen résolu ne se fera-t-il pas ?

Arnolphe.

C’est trop s’inquiéter des affaires des autres.

Chrysalde.

Oh ! oh ! si brusquement ! Quels chagrins sont les vôtres ?
Serait-il point, compère, à votre passion
Arrivé quelque peu de tribulation ?
Je le jurerais presque à voir votre visage.

Arnolphe.

Quoi qu’il m’arrive, au moins aurai-je l’avantage
De ne pas ressembler à de certaines gens
Qui souffrent doucement l’approche des galants.

Chrysalde.

C’est un étrange fait, qu’avec tant de lumières,
Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières,
Qu’en cela vous mettiez le souverain bonheur,