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Il rend agile à tout l’âme la plus pesante,

Et donne de l’esprit à la plus innocente.
Oui, ce dernier miracle éclate dans Agnès ;
Car, tranchant avec moi par ces termes exprès :
« Retirez-vous : mon âme aux visites renonce ;
Je sais tous vos discours, et voilà ma réponse, »
Cette pierre ou ce grès dont vous vous étonniez
Avec un mot de lettre est tombée à mes pieds ;
Et j’admire de voir cette lettre ajustée
Avec le sens des mots et la pierre jetée.
D’une telle action n’êtes-vous pas surpris ?
L’amour sait-il pas l’art d’aiguiser les esprits ?
Et peut-on me nier que ses flammes puissantes
Ne fassent dans un cœur des choses étonnantes ?
Que dites-vous du tour et de ce mot d’écrit ?
Euh ! n’admirez-vous point cette adresse d’esprit ?
Trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage
A joué mon jaloux dans tout ce badinage ?
Dites.

Arnolphe.

Oui, fort plaisant.

Horace.
(Arnolphe rit d’un ris forcé.)

Riez-en donc un peu.
Cet homme, gendarmé d’abord contre mon feu,
Qui chez lui se retranche, et de grès fait parade,
Comme si j’y voulois entrer par escalade ;
Qui, pour me repousser, dans son bizarre effroi,

Anime du dedans tous ses gens contre moi,
Et qu’abuse à ses yeux, par sa machine même,
Celle qu’il veut tenir dans l’ignorance extrême !
Pour moi, je vous l’avoue, encor que son retour
En un grand embarras jette ici mon amour,
Je tiens cela plaisant autant qu’on saurait dire,