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Georgette.

De toutes vos leçons nous nous souviendrons bien.
Cet autre monsieur-là nous en faisait accroire ;
Mais…

Alain.


    S’il entre jamais, je veux jamais ne boire.
Aussi bien est-ce un sot ; il nous a l’autre fois
Donné deux écus d’or qui n’étoient pas de poids.

Arnolphe.


Ayez donc pour souper tout ce que je desire ;
Et pour notre contrat, comme je viens de dire,
Faites venir ici, l’un ou l’autre, au retour,
Le notaire qui loge au coin de ce carfour.


Scène 2



Arnolphe, Agnès


Arnolphe, assis.


Agnès, pour m’écouter, laissez là votre ouvrage.
Levez un peu la tête et tournez le visage :
(Mettant le doigt sur son front.)
Là, regardez-moi là durant cet entretien ;
Et, jusqu’au moindre mot, imprimez-le-vous bien.
Je vous épouse, Agnès ; et, cent fois la journée,
Vous devez bénir l’heur de votre destinée,
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté,
Qui, de ce vil état de pauvre villageoise,
Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise,
Et jouir de la couche et des embrassements
D’un homme qui fuyoit tous ces engagements,
Et dont à vingt partis, fort capables de plaire,
Le cœur a refusé l’honneur qu’il vous veut faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux
Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux,
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise
À mériter l’état où je vous aurai mise,
À toujours vous connoître, et faire qu’à jamais
Je puisse me louer de l’acte que je fais.
Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage :
À d’austères devoirs le rang de femme engage[1] ;

  1. Don Pedre se mit dans une chaise, fit tenir sa femme debout, et lui dit ces