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Fort bien.

Agnès.

Le lendemain, étant sur notre porte,
Une vieille m’aborde, en parlant de la sorte :
« Mon enfant, le bon Dieu puisse-t-il vous bénir,
Et dans tous vos attraits longtemps vous maintenir !
Il ne vous a pas faite une belle personne
Afin de mal user des choses qu’il vous donne ;
Et vous devez savoir que vous avez blessé
Un cœur qui de s’en plaindre est aujourd’hui forcé. »

Arnolphe, à part.

Ah ! suppôt de Satan ! exécrable damnée !

Agnès.

« Moi, j’ai blessé quelqu’un ! fis-je toute étonnée.
— Oui, dit-elle, blessé, mais blessé tout de bon ;
Et c’est l’homme qu’hier vous vîtes du balcon.
— Hélas ! qui pourrait, dis-je, en avoir été cause ?
Sur lui, sans y penser, fis-je choir quelque chose ?
— Non, dit-elle, vos yeux ont fait ce coup fatal,
Et c’est de leurs regards qu’est venu tout son mal.
— Hé ! mon Dieu ! ma surprise est, fis-je, sans seconde :
Mes yeux ont-ils du mal, pour en donner au monde ?
— Oui, fit-elle, vos yeux, pour causer le trépas,
Ma fille, ont un venin que vous ne savez pas.
En un mot, il languit, le pauvre misérable ;
Et s’il faut, poursuivit la vieille charitable,
Que votre cruauté lui refuse un secours,
C’est un homme à porter en terre dans deux jours.
— Mon Dieu ! j’en aurais, dis-je, une douleur bien grande.
Mais pour le secourir qu’est-ce qu’il me demande ?
— Mon enfant, me dit-elle, il ne veut obtenir
Que le bien de vous voir et vous entretenir :