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is je n’ai point pris foi sur ces méchantes langues,
Et j’ai voulu gager que c’était faussement...

Agnès.

Mon Dieu, ne gagez pas : vous perdriez vraiment.

Arnolphe.

Quoi ? c’est la vérité qu’un homme... ?

Agnès.

Bon jour, la Nuit.Chose sûre.

Il n’a presque bougé de chez nous, je vous jure.

Arnolphe, à part.

Cet aveu qu’elle fait avec sincérité
Me marque pour le moins son ingénuité.
Mais il me semble, Agnès, si ma mémoire est bonne,
Que j’avais défendu que vous vissiez personne.

Agnès.

Oui ; mais quand je l’ai vu, vous ignorez pourquoi ;
Et vous en auriez fait, sans doute, autant que moi.

Arnolphe.

Peut-être. Mais enfin contez-moi cette histoire.

Agnès.

Elle est fort étonnante, et difficile à croire.
J’étais sur le balcon à travailler au frais,
Lorsque je vis passer sous les arbres d’auprès
Un jeune homme bien fait, qui rencontrant ma vue,
D’une humble révérence aussitôt me salue :
Moi, pour ne point manquer à la civilité,
Je fis la révérence aussi de mon côté.
Soudain il me refait une autre révérence :
Moi, j’en refais de même une autre en diligence ;
Et lui d’une troisième aussitôt repartant,
D’une troisième aussi j’y repars à l’instant.
Il passe, vient, repasse, et toujours de plus belle
Me fait à chaque fois révérence nouvelle ;
Et moi, qui tous ces tours fixement regardois,
Nouvelle révérence aussi je lui rendois :
Tant que, si sur ce point la nuit ne fût venue,
Toujours comme cela je me serais tenue,

Ne voulant point céder, et recevoir l’ennui
Qu’il me pût estimer moins civile que lui.

Arnolphe.