dernières classes ; c’est lui qui a ébranlé ces vieux préjugés de l’éducation, soutiens des vieilles mœurs ; c’est lui quia brisé les entraves qui retenaient chacun dans la dépendance de son état et de ses devoirs, et cette impulsion qu’il a donnée aux penchants de son siècle, a beaucoup contribué à son succès. »
En d’autres termes, Molière, d’après Geoffroy, introduisait dans la comédie la morale relâchée des nouveaux casuistes, et c’était surtout par l’attrait du scandale qu’elle attirait la foule. « Aujourd’hui, ajoute Geoffroy, on joue encore de temps en temps l’École des Femmes… mais les changements survenus dans nos mœurs, le grand progrès de nos lumières ont proscrit le ridicule attaqué dans cette pièce… c’est un chef-d’œuvre comique, comme don Quichotte, sur un travers qui n’existe plus. Le préjugé qui attachait l’honneur d’un mari à la vertu de sa femme, est absolument détruit ; la folie d’un homme qui regarde l’infidélité conjugale comme le premier des affronts et le dernier des malheurs, n’est plus au nombre des folies convenues qui circulent librement dans la société. Aujourd’hui toutes les plaisanteries sur le mariage et ses accidents sont ignobles et du plus mauvais ton. Le silence est recommandé sur cet article délicat. »
M. Aimé Martin, qui ne laisse jamais passer, sans essayer de les réfuter, les critiques adressées à Molière, s’est livré à une discussion approfondie pour montrer que si l’on avait accusé l’auteur de l’École des Femmes de donner un ton gracieux au vice et une austérité ridicule et odieuse à la vertu, c’était faute d’avoir suffisamment compris la pièce. Comme notre rôle, dans cette édition variorum, est avant tout un rôle de rapporteur, nous compléterons l’exposé de ces appréciations critiques, en citant l’opinion de M. Aimé Martin. « Il est évident, dit le commentateur que nous venons de citer, que Molière a voulu avertir les femmes qu’elles doivent surtout éviter d’unir leur sort à celui d’un égoïste. Arnolphe n’a qu’un but : il veut asservir l’innocence, la jeunesse, la beauté, aux caprices de sa bizarre humeur ; peu lui importe de rendre sa femme heureuse, son propre bonheur lui suffit. Voilà justement ce qui doit causer sa perte ; et l’on verra tous ses efforts, tous ses soins, toutes les ruses de son égoïsme, tomber devant le simple bon sens d’une jeune fille. Molière est plein de ces combinaisons, souvent inaperçues des commentateurs, bien qu’elles fassent rire le vulgaire et penser les bons esprits… Dans cette pièce, dit encore le même écrivain, Molière a voulu montrer un de ces hommes qui, s’éloignant encore plus des goûts de la jeunesse par leur austérité que par leur âge, ne laissent pas de s’abandonner à toutes les passions ; prennent les conseils de leur égoïsme pour ceux de l’expérience, les systèmes les plus bizarres pour les inspirations de la sagesse, et prétendent changer les lois éternelles de la na-