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Que jamais tes appas sortent de sa mémoire ;
Que, quelque arrêt des cieux qu’il lui faille subir,
Son sort est de t’aimer jusqu’au dernier soupir ;
Et que si quelque chose étouffe sa poursuite,
C’est le juste respect qu’il a pour mon mérite.
Ce sont ses propres mots ; et loin de le blâmer,
Je le trouve honnête homme, et le plains de t’aimer.

Isabelle, bas.
Ses feux ne trompent point ma secrète croyance,
Et toujours ses regards m’en ont dit l’innocence.

Sganarelle
Que dis-tu ?

Isabelle
Qu’il m’est dur que vous plaigniez si fort
Un homme que je hais à l’égal de la mort ;
Et que si vous m’aimiez autant que vous le dites,
Vous sentiriez l’affront que me font les poursuites.

Sganarelle
Mais il ne savait pas tes inclinations ;
Et par l’honnêteté de ses intentions
Son amour ne mérite…

Isabelle
Est-ce les avoir bonnes,
Dites-moi, de vouloir enlever les personnes ?
Est-ce être homme d’honneur de former des desseins
Pour m’épouser de force en m’ôtant de vos mains ?
Comme si j’étais fille à supporter la vie
Après qu’on m’aurait fait une telle infamie.

Sganarelle
Comment ?

Isabelle
Oui, oui : j’ai su que ce traître d’amant
Parle de m’obtenir par un enlèvement ;
Et j’ignore pour moi les pratiques secrètes
Qui l’ont instruit sitôt du dessein que vous faites
De me donner la main dans huit jours au plus tard,
Puisque ce n’est que d’hier que vous m’en fîtes part ;
Mais il veut prévenir, dit-on, cette journée
Qui doit à votre sort unir ma destinée.

Sganarelle
Voilà qui ne vaut rien.

Isabelle